Bloomberg plonge dans les coulisses de Dragon Age: The Veilguard pour comprendre l’échec derrière jeu de BioWare
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Rédigé par Jordan
La longue gestation du projet Dragon Age: The Veilguard en interne chez BioWare et EA a mené à un destin difficile pour le studio, qui doit maintenant uniquement compter sur le prochain Mass Effect pour se remettre sur pied. Malgré de bonnes critiques, le dernier RPG n’a pas sur convaincre les foules et ses ventes ont été jugées insuffisantes par Electronic Arts, qui a injecté beaucoup trop d’argent dans le développement depuis son commencement pour que les attentes à son sujet soient réalistes. Pour comprendre pourquoi le jeu en est arrivé là, et pour aller un peu plus loin que des réflexions bas du front que l’on voit sur les réseaux sociaux, Jason Schreier de Bloomberg a enquêté sur les coulisses de Dragon Age: The Veilguard et publie aujourd’hui une enquête édifiante sur tout ce qui n’allait pas.

Le départ multijoueur du projet le condamnait d’office
Avant même sa sortie, on savait d’ores et déjà que Dragon Age 4 avait connu des périodes difficiles, notamment parce qu’il a d’abord été pensé comme un jeu multijoueur. Après le rachat de BioWare par EA et l’échec de Mass Effect Andromeda, l’éditeur voulait se tourner vers la nouvelle mode du moment, aka les jeux service. C’est ainsi qu’en 2017, Mike Laidlaw (directeur créatif) a été contraint d’annoncer à l’équipe chargée du prochain Dragon Age que celui-ci devrait prendre la tournure d’un jeu service :
« Un jour d’octobre 2017, Laidlaw convoqua ses collègues dans une salle de conférence et sortit quelques bouteilles de whisky hors de prix. La suite de Dragon Age, annonça-t-il à la salle, allait être un jeu service – une décision venue d’en haut avec laquelle il était en désaccord. Il démissionna du studio. L’équipe réunie resta tard dans la nuit, buvant et se remémorant la licence qu’ils adoraient. »
C’est sur ces très mauvaises bases que le projet a été lancé, avec un univers au ton un peu moins morose que les trois autres jeux de la série pour coller à cette nouvelle orientation. Et puis est arrivée la catastrophe Anthem, qui n’a malheureusement pas été suffisante pour qu’EA ordonne tout de suite à BioWare de revenir sur ses pas concernant Dragon Age 4, qui était surnommé en interne « Anthem avec des dragons ». Jusqu’à ce qu’un peu de bon sens soit trouvé par Gary McKay en 2020, après avoir pris les rênes du studio :
« Nous nous demandions : « Est-ce que cela a du sens, est-ce que cela met en valeur nos atouts, ou est-ce que cela va être un nouveau défi à relever ? ». Non, nous devons revenir à ce que nous faisons vraiment bien. »
Mais ce virage a été mal négocié par le studio. Bloomberg explique qu’au lieu de recommencer à zéro en revenant à une période de pré-production, BioWare a voulu changer ce qui était déjà créé en l’adaptant à une structure solo, au lieu de multijoueur. Ce qui se remarque assez aisément avec les grandes zones ouvertes du jeu, dont les traces de la formule jeu service se ressentent facilement. Une stratégie qui avait peu de chance de réussite.
Et si le studio a opéré de cette manière, c’est surtout parce qu’une deadline approchait, lui laissant seulement un an et demi pour être prêt. Ce qui n’était pas possible, c’est pourquoi de nombreuses décisions ont été prises à la hâte dans un climat où le studio sentait une épée de Damoclès sur la tête. Après des reports, une version alpha a été testée et a beaucoup été critiquée, notamment parce que le jeu ne mettait pas en place assez de choix impactants comme BioWare sait d’habitude si bien le faire, là encore parce que les échos de la formule multijoueur étaient toujours là.
EA et la team Mass Effect s’en mêlent
C’est finalement en 2023 que l’équipe Mass Effect est venue épauler l’équipe Dragon Age. Ce qui n’a pas tout le temps aidé. Les deux équipes ne semblent pas particulièrement s’apprécier, et ont une philosophie différente. Bloomberg décrit la team Dragon Age comme un bateau pirate un peu indépendant qui peut dévier de sa course, mais qui revient toujours à bon port, tandis que la team Mass Effect est vue comme plus stricte (surnommée USS Enterprise en référence à Star Trek) et suivant les ordres d’en haut.
La prise de pouvoir de l’équipe Mass Effect n’a pas particulièrement plu, même si cette dernière a permis de mettre en place des éléments aujourd’hui appréciés par la communauté sur le jeu, comme son segment final. Une forme de rancœur naissait chez l’équipe Dragon Age dans la mesure où l’équipe Mass Effect obtenait facilement du budget de la part d’EA pour faire ces changements, là où l’éditeur le refusait pour l’équipe historique. Comprenez par là : l’équipe de Mass Effect était chouchoutée.
Mais cette collision entre les deux équipes a donné un résultat étrange à l’ensemble, notamment au niveau du ton de cet épisode, d’abord trop léger, avant que l’on y insuffle des éléments plus sérieux. Et puis l’heure est venue d’annoncer le jeu, alors qu’EA ne savait pas comment bien le présenter. En résulte une première vraie bande-annonce au ton hors-sujet, loin de ce que l’on attendait de la saga.
Le journaliste conclu son article en déclarant que BioWare devrait encore être un peu protégé par son éditeur, ne serait-ce que dans l’espoir qu’il soit capable de produire un jeu solo à succès comme Baldur’s Gate 3 (encore faudrait-il ne pas imposer ses visions de jeu service n’est-ce pas ?). Malgré tout, selon l’analyste TD Cowen interrogé par Schreier, une fermeture ne serait pas si étonnante. On croise les doigts pour que cela n’arrive pas de sitôt.